Edito

La Banque Centrale Européenne ose sans oser

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europeAvec un taux de croissance réduit à 0,2 % au premier trimestre et avec une inflation qui demeure très en-deçà de l’objectif des 2 %, le taux d’inflation n’était que de 0,5 % au mois de mai, la Banque Centrale Européenne après de longs mois d’atermoiements a décidé de modifier sa grille de taux.

Elle a ainsi abaissé de 10 points de base, à 0,15 % le taux de refinancement ; le taux d’intérêt de la facilité de prêt marginal étant réduit de 35 points de base, à 0,40 %. Cette baisse devrait peser sur le coût du crédit. Elle devrait profiter en premier lieu aux États de la zone euro qui sont toujours confrontés à des dettes publiques importantes. A défaut de croissance et à défaut d’inflation, il faut à tout prix limiter le coût de son remboursement pour les États. La BCE met en œuvre une politique de répression financière qui consiste à faire payer les épargnants à travers une faible rémunération de leur argent. Par ailleurs cette mesure devrait peser sur les taux d’intérêt pratiqués par les banques et de ce fait conduire à une reprise du crédit.

Pour favoriser cette reprise du crédit, la BCE a décidé de placer en territoire négatif le taux d’intérêt de la facilité de dépôt qui est abaissé de 10 points de base et qui passe à -0,10 %.

Cette mesure rarissime vise à inciter les banques à réduire leurs dépôts auprès de la Banque centrale et les conduire à prêter davantage.

Aujourd’hui, les banques conservent d’important volant de trésorerie à la Banque centrale par souci de sécurité afin de respecter les ratios prudentiels et par faiblesse de la demande de crédits de la part de leurs clients.

Désormais, les dépôts à la BCE seront payants. Cela peut conduire les banques soit à rapatrier dans leurs comptes les sommes en jeu, soit de faire payer à leurs clients le surcoût imposé à leur liquidité. Ce transfert sur le client a été constaté dans le passé en particulier au Danemark.

La BCE a dans ses décisions du 5 juin privilégié les outils classiques se refusant d’appliquer la politique monétaire en vigueur au Royaume-Uni ou au Japon qui repose sur des moyens non conventionnels. La BCE se refuse d’accroître la masse monétaire et d’intervenir directement dans le refinancement des banques via l’injection de liquidités.

Il n’est pas certain que les outils classiques permettent de ranimer l’économie européenne qui est confrontée à une véritable chape de plomb constituée par la dette publique. Les États sont contraints d’assainir leurs finances, ce qui prend du temps. Par définition, ces politiques sont à court terme récessives. La faiblesse de l’investissement est liée à l’absence de perspectives positives à moyen terme. Dans un climat déflationniste, l’investissement est évidemment rejeté. De même, le refus du risque de la part d’un grand nombre d’acteurs avec en premier lieu les banques ne concourt pas à la reprise de l’activité. Le vieillissement de la population est un facteur à prendre en compte. En effet, des peuples âgés privilégient l’épargne avec garantie du capital au détriment du rendement, le désendettement aux crédits, la sécurité à l’innovation.

Malgré la baisse des taux de la part de la BCE, les taux d’intérêt pratiqués par les banques commerciales au regard de l’inflation et du taux de croissance demeurent élevés. En effet, les taux pratiqués tournent autour de 3 % avec une inflation à 0,5 ce qui conduit à des taux d’intérêt réels de 2,5 % soit plus de deux fois le taux de croissance. Or, en période de crise, il faudrait que le taux d’intérêt réel soit voisin voire inférieur au taux de croissance pour inciter les acteurs économiques à risquer leur agent…

 

Philippe Crevel, Economiste

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