Technologie
La smart city s’installe en France : l’exemple d’Angers
Sous l’impulsion de son maire, Christophe Béchu, la ville d’Angers s’engage sur la voie de la smart city et s’apprête à investir 100 millions d’euros sur 12 ans. Objectif : devenir un territoire intelligent et connecté où qualité de vie élevée des habitants se conjugue avec gestion avisée des ressources.
La présence du maire d’une ville française au Consumer Electronic Show (CES) de Las Vegas, le grand salon mondial de l’électronique grand public, pourrait surprendre. Mais pour Christophe Béchu, maire d’Angers et président de la communauté urbaine Angers Loire Métropole, c’est une démarche logique. Il est là non seulement pour soutenir et accompagner les start-up de la cité angevine, particulièrement dynamique dans le domaine de l’internet des objets… Mais surtout pour observer les nouvelles technologies qui pourraient être mises en œuvre dans sa ville.
Un investissement de 100 M€ sur 12 ans
A l’image de Santander, de Singapour ou de Boston, Angers a en effet l’ambition de devenir une référence en matière de smart city. Une ville connectée qui, grâce aux technologies numériques, fonctionnera de manière plus intelligente, afin d’économiser l’énergie et l’eau, d’améliorer les services aux habitants, d’en inventer de nouveaux, et surtout d’en réduire les coûts.
« Nous venons prendre la décision, à l’unanimité des élus des 300 000 habitants du territoire angevin, de nous lancer dans une démarche de smart city. Nous avons lancé un appel à candidatures pour que des groupes industriels nous proposent une stratégie pour digitaliser notre territoire et le rendre plus intelligent », explique Christophe Béchu à Europe 1, le 11 janvier 2019. « Il s’agit de diminuer nos consommations d’eau et d’électricité, de rendre le trafic plus fluide, grâce à une signalisation routière intelligente, d’équiper en capteurs nos containers enterrés pour optimiser nos circuits de collecte d’ordures ménagères… Bref, tout ce qui va nous permettre d’améliorer la vie de nos concitoyens et de diminuer nos coûts de fonctionnement. »
« L’enjeu n°1 est le passage à l’échelle sur un territoire de 300 000 habitants, avec 50 000 points lumineux, 3 000 à 4 000 rues ou voies, 1 500 containers enterrés, 60 ha d’espaces verts à arroser, poursuit le maire d’Angers. Avec différentes briques technologiques, il s’agit de construire une architecture globale où tout est interconnecté. »
Angers prévoit de remplacer un nombre important de candélabres énergivores par des luminaires à LED qui ne s’allumeront qu’à l’approche d’un piéton ou d’une voiture, et seront aussi dotés de capteurs renseignant sur l’état de la circulation. Des cellules réguleront également les feux tricolores, recenseront les places de parking, mesureront la fréquentation des pistes cyclables… Des capteurs permettront de surveiller le niveau des bennes à déchets pour optimiser la collecte. L’arrosage des parcs ne se déclenchera pas si la terre est humide… Et l’ensemble des 550 bâtiments publics fera l’objet d’une gestion thermique et centralisée.
« Ce marché sera attribué en septembre 2019 après un semestre d’analyse des offres et de dialogue compétitif, précise Christophe Béchu. Il s’agit d’un marché qui courra sur une durée de douze ans et représente pour notre territoire un investissement total de 100 millions d’euros ».
Ville laboratoire de la smart city
« Le projet ne part pas de rien : depuis 2015, Angers est devenu un territoire d’expérimentation, notamment sur les déchets et l’éclairage. Aujourd’hui, on change d’échelle, en cassant les silos », précise Constance Nebulla, élue communautaire chargée du numérique, aux Echos.
En juin 2015, la richesse de l’écosystème angevin, qui compte quelques champions de la filière électronique comme Lacroix ou Eolane, ainsi que de nombreuses start-up, a été reconnue par le label French Tech. La même année, la ville a également inauguré, en présence du président de la République, la Cité de l’objet connecté, une plateforme d’innovation centrée sur l’internet des objets (IoT), qui revendique 450 projets accompagnés en trois ans. En octobre 2017, la cité angevine a même accueilli le gratin de l’électronique mondiale lors du World Electronics Forum, qui se tenait pour la première fois hors d’une grande capitale mondiale.
La ville s’est également positionnée dès 2015 comme une ville laboratoire de la smart city en créant l’association PAVIC (Plateforme d’Aménagement de la Ville Intelligente et Connectée, devenue depuis Programme Accélérateur de la Ville Intelligente et Citoyenne), qui associe la collectivité et ses composantes, les grandes écoles d’ingénieurs du territoire (ESAIP, ISTIA, ESEO) et des entreprises technologiques. Sa vocation : faciliter l’expérimentation en situation réelle et à grande échelle des nouvelles applications dédiées à la smart city.
L’association accompagne ainsi les start-up et les groupes industriels en leur fournissant les outils techniques et réglementaires nécessaires à la mise en place de ces tests grandeur nature. Elle offre aux porteurs de projets un environnement de test intégrant un panel d’utilisateurs, une infrastructure technique support, les autorisations administratives et l’accès à des données publiques de qualité. Les porteurs de projets peuvent notamment s’appuyer sur la couverture internet mobile du réseau gratuit du groupe angevin WifiLib et de ses 240 bornes.
Allumage progressif de l’éclairage public, lampadaires connectés wifi, capteurs de pollution sur les véhicules électriques, compteurs d’eau et d’électricité intelligents, arroseurs automatiques intelligents des espaces verts, compteurs de déchets, aide au stationnement… De nombreuses applications sont ainsi testées sur le territoire.
L’éclairage, un élément clé
Spécialiste de la couverture Wi-Fi totale et de la continuité de service en mobilité, la société WifiLib (qui appartient au groupe angevin Afone dirigé par Philippe Fournier) travaille, entre autres, sur l’agrégation de données générées par les objets connectés. Le groupe Lacroix développe de son côté de nouvelles solutions de détection des mouvements via des capteurs sans fil.
Comme l’indique Carmen Munoz-Dormoy, directrice générale de Citelum, filiale d’EDF spécialisée dans l’éclairage public et les applications de la smart city « l’éclairage est un élément clé dans la structuration des projets de ville intelligente. D’abord parce qu’il permet de générer des économies de fonctionnement et d’énergie grâce à l’éclairage intelligent rendu possible par la technologie LED. Mais aussi parce qu’il apporte une infrastructure sur laquelle il est possible de déployer de nouveaux dispositifs en vue de proposer de nouveaux services. » Des services qui améliorent la mobilité (bornes de recharge de véhicules électriques, systèmes de stationnement intelligent), la sécurité (signalisation lumineuse tricolore, radars de feux et de vitesse, vidéoprotection) et le bien-être des citoyens (bornes wifi, panneaux d’information, capteurs de pollution ou de bruit). Citelum a expérimenté récemment à Angers un capteur de bruit connecté à l’éclairage pour cartographier les nuisances sonores dans la ville.
En attendant la mise en place de toutes ces innovations, l’agglomération angevine vient de lancer son application mobile « Vivre à Angers », qui permet aux citoyens, depuis début 2019, d’accéder en quelques clics à de nombreuses informations et à de multiples services : services publics territoriaux, actualités de la ville, agenda culturel, horaires des bus, des trams et des piscines, places de parking disponibles, menus de la restauration scolaire, état de la qualité de l’air… Un pas de plus vers la ville connectée et intelligente.