Economie

Tablettes numériques : après la Gauche caviar, la Gauche iPad

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Cet article est une tribune ouverte et n’engage en rien la rédaction.

Angers – Dans l’une des scènes de son film Home, Yann Arthus Bertrand survole une interminable file d’attente. Des jeunes occidentaux, avec sacs de couchage et Thermos de café, attendent dehors, sans doute depuis des heures, l’ouverture d’un magasin. Scène suivante, la boutique ouvre. Gros plan sur le visage illuminé, rayonnant, d’une nouvelle convertie saisissant l’objet désiré, la toute dernière tablette numérique Apple. Ce plan illustre mieux que toute autre image la folie consumériste d’une partie de l’humanité, la plus riche.

Je ne sais pas si Luc Belot a vu ce film. Mais, sa décision de fournir 1000 tablettes tactiles, pour un coût de 700 000 euros, aux écoles de la ville d’Angers n’est pas raisonnable. C’est un luxe inutile. Et il n’est pas besoin de convoquer le trésorier de la ville (les finances sont mauvaises me chuchote-t-on), ni de calculer le coût écologique de ces joujoux électroniques, ni même de convoquer la misère du monde pour parvenir à cette conclusion. La simple lecture du programme de l’école élémentaire pour les TIC (Technologies de l’information et de la communication) permet de juger du gaspillage. Des PC bien moins onéreux feraient l’affaire. Ceux qui pensent que rien n’est trop beau pour leurs enfants se trompent.

Pourquoi cet achat ? Bien sûr, il y a l’affichage politique. Un jeune élu comme M. Belot doit montrer qu’il est du côté du progrès mondialisé, des nomades urbains, de la modernité connectée. Le slogan de la sobriété heureuse, ou de la décroissance, n’est pas encore angevin.

Mais, c’est aussi, plus généralement, un énième épisode de la bataille entre l’École et les collectivités territoriales. La compétence de la ville s’arrête au péri et à l’extra scolaire. Qu’il est agaçant pour un élu local de payer les murs de l’école sans pouvoir y entrer ! Qu’il est frustrant de ne pas pouvoir contenter, voir devancer, les désirs de l’électeur-parent d’élève ! Qu’il est tentant d’offrir du matériel, sans avoir l’air d’y toucher, pour montrer qu’on agit ! Pourtant, pardon pour la formule antimoderne, pardon de jouer les rabat-joies, ce cadeau numérique pose un problème quant à l’égalité républicaine. Qu’aurions-nous dit si Apple ou Google avait directement offert des tablettes à tous les CE2 d’Angers ? Les directeurs et professeurs d’école doivent aussi se méfier des cadeaux des représentants de l’administration locale. Leur générosité n’est que le masque de leur appétit.

Stephane Raimbault – Coopérateur Europe Écologie, Angers

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