Accroche Coeurs
Dans la foule de la 17ème édition des Accroche-Cœurs à Angers
Un terrain de pétanque vers le parc Balzac, quelques boulistes imperturbables gardent les yeux rivés sur la partie en cours. Vendredi en fin d’après-midi, il faisait bon trainer le long de la Maine. C’était pourtant bien le début de la 17ème édition des Accroche-Cœurs placée sous le signe du végétal.
(Angers, 11/12 septembre 2015) Deux bambous de 12 mètres de hauteurs sont dressés à l’entrée du parc. Un spectacle venu du Bénin (« Dans sur les bambous du Bénin » par la compagnie CESAM), de la musique et finalement un homme qui monte en haut des bambous. Il se livre à un numéro d’équilibriste au-dessus d’une foule qui retient son souffle. L’acrobate tourne, danse dans le vide, déploie le drapeau du Bénin et finit par descendre sous les applaudissements. On se dit surement que ces deux bâtons montent quand même très hauts. Il est 17h30.
La roue dans l’eau, ses flammes
Sur l’esplanade du Théâtre le Quai, on peut tomber sur deux comédiens de la Cie L’art Osé : « Jacqueline et Marcel jouent le médecin volant de Molière ». Un titre qui annonce ce qu’il annonce : on peut observer un homme et une femme chiquement habillés tenter de jouer une pièce tout en improvisant sans cesse avec son public. Jacqueline fait semblant de s’enfuir dans une 2CV qui passe là par hasard, chacun regarde amusé la scène qui se joue. Ce vendredi soir à l’heure du repas, le festival est aussi officiellement lancé par Calixte de Nigremont, entouré des personnalités locales. L’équipe championne de France de conversation l’an passé remet sa coupe en jeu. On prend des photos et on grimpe les marches de la cathédrale.
Des voitures continuent à filer de l’autre côté de la Maine, sur les voies sur berge. La nuit est tombée, il est temps de jouer pour la Cie Louxor face au public du quai des Carmes. Il n’y a plus un mètre-carré d’herbe inoccupé. Alors, résonne le Bagad Men Glaz de Trélazé, des torches brillent dans la nuit, un Monsieur Loyal parle dans un microphone et tient le public en haleine avec un accent étrange. L’enjeu c’est cette grande roue immergée dans le fleuve. Un homme du nom d’Alex est sommé de se jeter à l’eau, on scande son nom, c’est clownesque, il tombe à l’eau. On ramène finalement des torches du quai jusqu’à la structure flottante. Les comédiens montent sur la grande roue, l’allument, jouent avec, une véritable chorégraphie, un exercice d’équilibre. Le spectacle se conclut sur un feu d’artifice avec des reflets et des ombres sur les tours du château.
Le jardin mirifique de Lo’Jo
Juste derrière, devant le théâtre du Quai, la foule commence à se masser près de l’entrée. Ce vendredi soir, l’engouement ne se démentira pas jusqu’à la fin de soirée. A l’intérieur, l’ambiance est festive et jeune : c’est l’Electronik Green Festival. Je remercie l’équipe pour le gobelet en plastique (un 50 cl). Le grand hall du théâtre devient une caisse de résonnance. On boit des verres, on passe de la cumbia et du hip-hop, on traine sur le parvis, il ne pleut pas et pour le reste : on verra demain.
Le lendemain, c’est la pluie qui réveille la ville. Samedi matin, Angers a les pieds dans l’eau. Quelques spectacles sont annulés. Dès le début d’après-midi le temps se dégage et les festivités reprennent. Dans le jardin du musée des Beaux-Arts l’ambiance est détendue. A même le sol : Yuka Okazaki et Kham Meslin, les chœurs féminins de Lo’Jo. On entonne un chant sur la liberté qui « ne coule jamais », un basson rythme le tout. Sur le côté, Denis Péan (chanteur de Lo’Jo) observe Sen’Kaï. Dans un coin du parc, le Manège Salé est chargé d’enfants. Son univers marin (baleine, langoustine…) tourne : plus proche d’un film comme La cité des enfants perdus que des stéréotypes Disney. C’est le Jardin Cosmopolite de Lo’Jo.
Angers sous influence verte et le visage de Christophe Béchu
On a pu croiser sur la place La Rochefoucauld un énorme visage marron en argile. Des tranchées remplies d’eau autour de la construction. Des fils tendus et des visages suspendus. Ceux d’inconnus et de gens de passage moulés dans l’argile, de Christophe Béchu parait-il aussi. La Cie Léz’Arts Vers & Fred Martin bossent impassible dans leur habits tachés du travail. On croise à différents endroits de la ville le duo des Vaguement La Jungle, du jazz manouche sonorisé. On peut apercevoir un fin ruban vert courir à travers la ville. Des voitures rongées de verdure et des coquelicots. Des coquelicots installés par une Cie de Rochefort sur Loire, Fredancio.
Pour qui est « d’Angers », le festival des Accroche-Cœurs est chaque année un événement incontournable si l’on tolère la foule. Tout n’est pas parfait, on regarde les yeux des gens sur le pont Beaurepaire : il faut raconter ce qu’on y croit, c’est un job. Parfois aussi, la première soirée du festival est difficile (ou ce qu’on ingère est simplement trop fort) : il devient compliqué de couvrir un festival durant toute sa durée. C’est pas très malin.
Il faut alors lire Denis Péan de Lo’Jo qui dans les colonnes d’Angers mag écrit : « Et je constate par ailleurs que les grandes manifestations d’art de rue […] renouent – sans le savoir peut-être – avec l’attirance pour le rituel, la procession mystique, l’exorcisme, la transe divinatoire, et chez les jeunes le passage initiatique. […] Les drogues sacralisées dans les sociétés initiatiques/chamaniques ancestrales sont d’autant plus usitées chez nous et dangereuses qu’elles sont – dans notre société peu évoluée – réprimées et tabous. »
M. Pionneau