Angers
Lettre d’un Angevin aux supporters Irlandais
Cher supporter irlandais,
dimanche ton pays va affronter le mien, en huitièmes de finale de l’euro 2016. Hé bien tu sais quoi ? Que mon pays gagne ou que ce soit le tien, je serai heureux. Et je ferai la fête. Car si mon sang est français, mon cœur, lui, grâce à toi et à tes camarades, est de plus en plus irlandais.
Cher supporter irlandais, tu ne mesureras jamais le bien fou que tu fais à notre pays. Avant ton arrivée, ici on n’arrêtait pas de s’engueuler, les gens faisaient grève, ils cassaient les magasins et se tapaient dessus. On ne parlait que de haine, de discorde et des pelouses dégueulasses de nos stades. Depuis que tu es chez nous, ami irlandais, on ne parle plus que de générosité, de fraternité et de la bonne ambiance que tu mets dans les tribunes. Dans les tribunes et dans les rues aussi ! Tous les jours la France entière se régale des vidéos dans lesquelles tu chantes des romances pour les jolies demoiselles françaises, des berceuses pour les innocents bébés, des slogans affectueux pour la police qui se souvient grâce à toi qu’elle peut être aimée, tu répares la voiture que tu as accidentellement endommagée et pousse la repentance jusqu’à indemniser le chauffeur, tu nettoies même – tel un supporter japonais – les ordures que tu laisses ! ETC… ETC… ETC… En fait si l’irlandais s’habille en vert, c’est parce que c’est un martien. Oui, un être humain avec autant de cœur, ça ne peut être qu’un extraterrestre, ou un irlandais.
Tu fais honneur à ton pays, à ton peuple, à tes ancêtres. Même bourré, tu es gentleman. Même avec ta bedaine dépassant de ton maillot, tu as la classe. Même vaincu, tu es de bonne humeur. Je t’aime, l’Irlandais, et je ne crois pas me tromper en te disant que c’est toute la France qui est tombée sous ton charme. Tu nous as tellement conquis que tu règnes déjà sur nous. Quand on voit à quel point tu fais du bien à notre pays, nous français on se dit que vaut mieux Irlande que Hollande…
Parce que c’est bien plus que de la bonne humeur que tu répands, frère irlandais, c’est de l’Amour. L’amour de ton prochain, des trucs qu’on avait oubliés. L’amour de la bière aussi ! Qu’est-ce que tu picoles ! J’ai jamais vu ça. Et qu’est-ce que tu es beau quand tu picoles ! Tu chantes, tu ris, tu fraternises et je te vois rarement vomir. Qu’on se le dise : l’irlandais est la meilleure publicité pour l’alcool. D’ailleurs je propose que les jours de match de l’équipe d’Irlande, on n’interdise pas la vente d’alcool, mais qu’on la rende gratuite et obligatoire.
Tu te souviens en 2009, on t’avait volé. On jouait comme des pieds et il avait fallu la main de Thierry Henry pour aller en coupe du monde. Mais si Dieu n’est (peut être) pas irlandais, il doit quand même en connaître un dans sa famille car – justice divine – nous nous étions couverts de ridicule, à en faire marrer la planète entière (encore une histoire de grève, une spécialité chez nous…). À l’époque, malgré la joie de la qualif, beaucoup de français avaient eu honte parce que d’accord on avait gagné le match, mais en même temps on avait aussi perdu notre fierté… Toi, tu étais parti triste mais sans violence, et tu es revenu chez nous sans esprit de vengeance. Hé, l’Irlandais : tu es un grand seigneur. Le genre de type devant lequel on s’incline. Je te jure que si dimanche tu gagnes grâce à un penalty imaginaire, à une main baladeuse, à un hors jeu non sifflé, y aura pas de problème entre nous : un partout balle au centre en passant par la case buvette. Et le français qui osera s’en plaindre, on le condamnera à boire que de l’eau, ça lui apprendra.
En attendant le match, je vais me renseigner sur comment obtenir la nationalité celte. Je suis même prêt à apprendre ton putain d’accent incompréhensible. Je lance ce message sur les réseaux sociaux comme on lance une bouteille à la mer : j’espère qu’il parviendra jusqu’à toi. Si une bonne âme peut te le traduire, elle aura ma reconnaissance éternelle car mon niveau d’anglais ne me le permet pas. À l’école, j’étais trop occupé à regarder les jupes des filles plutôt qu’à apprendre mes verbes irréguliers, tu me comprendras et m’excuseras.
Bon match, frère irlandais.
Tu peux être fier.
Parce que cet Euro il est pas terminé, et pourtant vous l’avez déjà gagné.
Olivier Sauton.