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Le Vendée Globe : une épreuve à hauts risques physiques

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Conseils médicaux de Jean-Yves Chauve (Race Doctor) à Conrad Colman (NZL), skipper 100% Natural Energy, pour son Vendée Globe, aux Sables d’Olonne le 24 Octobre 2016 – Photo Vincent Curutchet / DPPI / Vendée Globe

De plus en plus rapides, de plus en plus inconfortables, les IMOCA sont devenus des machines de course ultra sollicitantes pour les marins. Le risque de blessure demeure l’ennemi n°1 sur un tour du monde en solitaire, même si les skippers s’y sont préparés à terre grâce à une formation médicale, et embarqueront en mer une trousse à pharmacie des plus complètes. Cette année, le médecin de la course, Jean-Yves Chauve dont ce sera le 8e Vendée Globe, ne cache pas un stress supplémentaire dû aux bateaux à foils et à leurs mouvements violents et particulièrement durs à vivre. Accrochez vos ceintures…

La mer est creuse, gorgée de « talus », ces vagues qui vous font bondir même assis dans le siège du cockpit. Impossible de sortir de la casquette sous peine de se prendre des tonnes d’eau capables de vous éjecter contre les filières avec une force impressionnante. Le terme machine à laver ou sous-marin est loin d’être galvaudé dans ces conditions musclées mais pas tempétueuses pour autant. Le quotidien en somme de tous les skippers du Vendée Globe. « Dès qu’il y a de la mer, le bateau tape beaucoup, on a du mal à se tenir debout, ça peut être violent. Il faut en tenir compte. Il faut anticiper et se protéger » explique Armel Le Cléac’h. Anticiper, tel est le secret pour qu’une manœuvre ne tourne à la catastrophe, et que le danger de se faire mal soit évité… « Il y a un accident parce qu’on a mal anticipé un mouvement du bateau, on a raté une prise, le risque est d’être projeté à l’intérieur ou dans le cockpit du bateau. Une décélération brutale peut engendrer une fracture, comme Yann Eliès en 2008 » souligne Jean-Yves Chauve, le médecin de la course, depuis 30 ans au service des marins solitaires sur le circuit Figaro ou le Vendée Globe, ancien urgentiste à Saint-Nazaire.

Casque et genouillère de rigueur sur les foilers

Les mouvements de ces bateaux à moustache diffèrent des IMOCA « classiques ». Les foils permettent de sustenter le bateau, mais dès lors qu’il y a de la mer, et que le compteur grimpe en vitesse, la machine de course peut accélérer et décélérer en quelques secondes. Une danse brutale qui malmène les bonshommes obligés de se cramponner en permanence, d’évoluer à quatre pattes et d’enfiler des salopettes renforcées aux genoux ou aux coudes. Sébastien Josse le confirme : « J’ai un gros matelas, des protections. J’ai des genouillères, des pantalons renforcés. Avec le foiler, il va y avoir des blessures qu’on ne connaissait pas avant. Il y aura des traumas comme des côtes ou des clavicules cassées, des bleus. » D’aucuns, comme Jean-Pierre Dick, embarquent un casque de rugby pour les conditions de mer et de vent toniques. L’objectif est bel et bien de préserver le marin.

La récupération : la clé pour minimiser les risques de se faire mal

« Faire abstraction de cet environnement agressif, c’est difficile. Et là est tout le problème : si on ne récupère pas bien, on tombe dans une perte de vigilance, et c’est la porte ouverte aux accidents » confie le docteur Chauve. Le peu de sommeil engrangé sur 24 heures (4 à 5 heures par tranches d’1 heure maximum) doit donc être réparateur. Chacun son truc pour tomber le plus rapidement possible dans les bras de Morphée. Sébastien Josse ne jure que par le casque anti-bruit : « Les bateaux font plus de boucan car ça fait tambour, ça tape, et les appendices génèrent un sifflement.
J’ai un casque anti-bruit pour dormir. Indispensable pour récupérer et ne pas accumuler de la fatigue. »
C’est dire si les marins, en plus d’être compétiteurs, ont cette incroyable faculté d’adaptation aux rudesses de leurs bateaux et à l’élément liquide. Loin d’être des têtes brûlées, tous ont pleinement conscience des risques qu’ils encourent durant ces trois mois de solitude. Ils s’y sont préparés.

Rencontre avec  Jean-Yves Chauve, médecin de la course
Qu’est-ce qui a évolué depuis le premier Vendée Globe en 1989 que vous avez couvert en tant que médecin de la course ?
« La liaison satellite a fait évoluer les choses. Cela m’a permis d’avoir une meilleure efficacité. On peut transmettre des images au skipper, voire même faire de la visio-conférence. Mais la grande évolution, c’est la vitesse, et bien sûr la rudesse des bateaux. L’ergonomie est devenue minimaliste et la lutte contre le poids est un des éléments déterminants au détriment du confort personnel. L’organisme a besoin d’être respecté. Les bateaux vont plus vite donc les risques d’accidents sont plus importants, les types de blessure plus graves. »

Quels risques encourent les skippers sur un Vendée Globe ?
« Les bateaux sont devenus extrêmement bruyants et très brutaux. Le premier élément, c’est le problème de la récupération. Dormir dans ces conditions, c’est compliqué. Faire abstraction de cet environnement agressif, c’est difficile. Et là est tout le problème : si on ne récupère pas bien, on tombe dans une perte de vigilance, et c’est la porte ouverte aux accidents. Il y a un accident parce qu’on a mal anticipé un mouvement du bateau, on a raté une prise, le risque est d’être projeté à l’intérieur ou dans le cockpit du bateau. Une décélération brutale peut engendrer une fracture, comme Yann Eliès en 2008. On peut aussi avoir des contusions internes qui peuvent mener à un œdème, une hémorragie, ou un coma, je suis obligé de penser aux choses graves. Malheureusement, le casque ne fait pas grand-chose, il faudrait des airbags ! Ce sont presque des traumatismes d’accidents de la route. Plus un bateau va vite, plus le risque de décélération brutale est important. »

Du point de vue médical, les solitaires sont-ils bien préparés à se soigner ?
« La formation médicale est fondamentale. Comment se soigner soi-même ? C’est compliqué ! Il faut imaginer se poser une perfusion tout seul ! On est dans une situation où sur un plan médical on est limité. On en discute avec les marins. On sait que sur un bateau, ce sont souvent des réactions en chaîne. Un problème engendre un deuxième, puis le danger est là. On ne peut rien anticiper. La trousse à pharmacie du bord est cependant hyper complète, cela va de la morphine à la colle cutanée. Il y a un code sur les médicaments ce qui permet de donner la prescription clairement. En mer,
les marins peuvent appeler le médecin de leur choix, mais ce dernier doit m’informer du diagnostic et du traitement. A moi de voir si c’est ok et de valider. »

Cette édition, avec ces nouveaux bateaux à foils plus rapides et plus durs, engendre-t-elle un stress pour vous en tant que médecin de la course ?
« Je vais être en stand-by, je vais attendre anxieusement les appels… Je suis évidemment plus tendu cette année, parce que ces bateaux vont très vite. Il y a quatre ans, il ne s’est rien passé de grave, mais c’est vrai que l’on met la barre de plus en plus haut. Cette course se déroule autour du monde, il faut qu’elle soit perçue comme une épreuve sportive raisonnable. L’interface entre la machine et l’homme doit être équilibrée… »

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