Angers
La jeunesse politique d’Angers n’est pas morte.
Depuis quelques années, on peut ressentir un désintérêt des jeunes pour la politique. Pour une ville comme Angers, le militantisme jeune est-il toujours présent, et représente-t-il un véritable enjeu ? Nous avons voulu expliquer ce manque de visibilité dans le débat public, auprès de la jeunesse militante, au sein de chaque parti. Nous avons donc rencontré ces personnes qui comptent dans la politique angevine. Loin de nos idées préconçues d’un apolitisme généralisé, les visions de ces jeunes, engagés dans les différents partis, nous ont apporté un regard neuf sur l’engagement et ce qu’il peut entraîner, ils sont en réalité plus actifs qu’ils n’y parait, notamment pour les municipales. Chacun a un projet pour son mouvement respectif, et tous sont actifs pour faire entendre leur voix.
Entretien avec Aykel Garbaa (Mouvement des Jeunes Socialistes), Ambroise Poincloux (Jeunnesse populaire), Martin Dourneau (Jeunes UDI) Thomas Zucchelli (Partis de Gauche), Jean-Eudes Gannat (Front National Jeunes)
Aykel Garbaa, représentant du Mouvement des Jeunes Socialistes depuis 2012 :
Étudiant en 2e année de sociologie à l’université catholique de l’ouest, il est membre depuis 2010. Il avait des idées politiques et s’est tourné vers le Parti Socialiste, car c’est en lui qu’il a retrouvé des idées et des valeurs qui lui correspondaient le plus. Pour lui, la politique n’est pas un métier, mais un engagement, il se bat d’ailleurs contre le cumul des mandats.
Quand Aykel nous parle du parti, il insiste sur le fait que les MJS soient totalement indépendantes des aînés. Bien qu’ils reçoivent des subventions de la part du PS, ceux-ci n’abordent pas forcément les mêmes thématiques lors des débats, et pas au même moment. Ils ne sont pas toujours d’accord, et le débat reste très ouvert. Son regard pétille quand il parle des valeurs apportées par le PS, mais reste très distant lorsqu’il faut aborder les faits. Cependant, il reste franc au niveau des détails techniques et des actions du MJS. Il distingue différents types de militantismes certains prennent juste leur carte au parti et payent leur cotisation, 15 euros annuels, d’autres ne viennent qu’a certains événements, mais la majorité reste une base active sur le terrain. Il reconnaît qu’avoir sa carte au parti présente beaucoup d’avantages (réduction des coûts lors des événements et passage symbolique).
Le MJS sur le Maine-et-Loire représente environ 100 personnes, d’une tranche d’âge allant de 15 à 29 ans. Mais ce nombre n’inclut pas les gens participant aux débats et événements sans carte. On peut constater que la majorité des jeunes militants sont des étudiants ou des lycéens, mais il tient à préciser que beaucoup d’entre eux sont des jeunes actifs, et semblent très fier de ses dires. Sa voix en tant que représentant du parti ne compte pas plus qu’une autre, il parle d’une « culture gauche, un peu syndicale », il se présente d’ailleurs comme « animateur plus que dirigeant ».
Ils ont mis en place un partenariat européen qui consiste chaque année, à se réunir à l’étranger, au sein de l’Europe. Aykel est d’ailleurs très « pro-Europe », il nous le prouve en s’arrêtant pour parler au stand des jeunes européens installé dans le hall de sa faculté.
Le parti a aussi apporté au jeune homme un réseau, utile aux militants dans leurs vies de tous les jours. Aykel conclue l’entretien en disant que « la politique est un engagement, mais un engagement noble ».
Ambroise Poincloux, représentant adjoint des jeunesses populaires sur le département :
Ambroise a 22 ans. Étudiant en droit à l’université d’Angers, il s’est engagé dans les jeunesses populaires lorsqu’il avait 16 ans, en 2008, poussé par le mouvement sarkosiste. Pour lui, la politique, c’est un apprentissage de l’art du discours. Il a appris à mieux s’exprimer, mieux se positionner et ainsi à organiser ses arguments de façon plus construite. Il se définit désormais comme « acteur » et non-spectateur » sur le terrain des idées.
Les jeunes pop angevins se réunissent une fois par mois, pour débattre et organiser les événements. Les séances de collage d’affiches sont une sorte de « rite » pour les nouveaux arrivants. Les débats tournent souvent autour des mêmes thèmes, descendre l’opposition et promouvoir les idées de l’UMP. Ils sont environ 200 jeunes sur le département, mais les chiffres sont incertains, comme pour tous les partis. Ces jeunes sont surtout étudiants en fac de droit, de médecine ou en école de commerce. Leur effort militant s’arrête généralement après 25 ans, une fois rentrés dans la vie active. Leur relation avec le parti est en totale harmonie, le débat est libre et les quelques critiques sont entendues par leurs aînés. Ceux-ci les subventionnent comme au PS, on peut donc douter de leur totale indépendance.
Pour Ambroise, les jeunes se divisent malheureusement en trois catégories : ceux qui pensent « tous pourris » (les dégoûtés de la politique), d’autre se tournent vers les extrêmes et enfin il y a ceux qui ne s’intéressent pas au débat politique. Sa mission de tous les jours, est d’aller à leur rencontre et d’essayer de changer les mentalités, en leur expliquant que la politique est toujours aussi « accessible et passionnante ».
Martin Dourneau, président du bureau départemental des Jeunes UDI du Maine-et-Loire.
En deuxième année de droit, le jeune Martin, âgé de 19 ans, a été élu avant-hier soir. Il a rejoint l’UDI à sa création, car c’est un fervent partisan de Jean-Louis Borloo. Il se dit plutôt de gauche, tout en prônant le rassemblement politique et l’union.
Le cas du parti est à part, puisqu’il n’a qu’un an et demi. À l’inverse de l’UMP ou du PS, tout est encore en construction. La tache revient par ailleurs à Martin de décider les actions concrètes pour les jeunes de l’UDI. Il tient à créer des équipes dédiées à chacun des thèmes centraux pour l’UDI, et veut entretenir le débat. Il trouve très ennuyant un manque de diversité dans les esprits d’un même rassemblement politique. Un autre de ses projets est la création d’un cahier de doléances pour animer ces débats.
Bien que jeune, le parti compte déjà 61 adhérents. Au départ, il y avait selon lui une mauvaise gestion, mais il espère redresser cela au plus vite. Il y a peu de lycéens, mais les adhérents ont des profils très diversifiés. A l’inverse des autres partis, les adhérents restent dans la sphère jeune automatiquement jusqu’a leurs trente ans. Cependant, Martin précise qu’il ne s’agit là que d’une classification et que les thèmes abordés restent avant tout ceux de l’UDI et non pas d’un parti jeune. Leur mouvement ne reçoit aucune subvention pour le moment même s’ils bénéficient de l’appui du parti, notamment dans le cadre de la distribution de tract.
Pour lui, il y a trois types de jeunes : les jeunes ambitieux qui veulent faire de la politique une carrière (ce qu’il renie), les jeunes avec de vraies valeurs et qui souhaitent s’engager, et enfin ceux qui ne comprennent pas le débat politique. Lui se revendique du deuxième type et le prouve en passant trois à quatre heures de ses journées pour l’UDI, il veut « se sentir utile sur le plan local ».
Jean-Eudes Gannat, responsable du Front National Jeune.
Jean-Eudes est militant depuis l’âge de 13 ans. Passionné par l’histoire, il est en deuxième année de droit à l’université d’Angers. Bien qu’il soit actif depuis son adolescence, il n’a pris sa carte que l’année dernière, année durant laquelle il a été élu. Pour lui, son engagement est un apport personnel, car il se sent utile et heureux d’avoir l’opportunité de se battre pour ses idées.
Les jeunes du FN sont très actifs sur le terrain et les réseaux sociaux. Ils vont sur les marchés où ils reçoivent un bon accueil et en sont agréablement surpris. En revanche lors des portes à portes, la réception est moins joviale dû au passif du parti. Ils se rassemblent une à deux fois par semaine pour décider des actions à venir. Ils sont totalement en accord avec le parti mère, Marine Le Pen étant présidente des jeunes frontistes. Jean-Eudes n’hésite pas à faire référence à elle avec admiration et aux actions entreprises au niveau national. Pour eux le projet jeunes, à l’échelle locale, s’axera surtout sur le sport, les loisirs et la culture dans le cadre de l’initiative « les jeunes avec Dirand ». Ils bénéficient de peu de subventions, contrairement à ce qu’on pourrait penser.
Le parti se compose d’environ 95 jeunes de 16 à 30 ans (bien que les jeunes au dessus de 25 ans préfèrent militer avec les aînés), dont une trentaine sur Angers. Ils viennent de tous horizons, sa sociologie est un peu particulière par rapport aux autres FNJ, notamment la classe bourgeoise est plus représentée sur Angers.
Il est cherche à nouer un contact avec les autres jeunes militants, mais a du mal à entrer en communication avec eux. Il trouve important de pouvoir créer un débat démocratique et ainsi que chacun puisse s’enrichir des horizons différents dont font preuve les autres partis.
Il est optimiste par rapport aux municipales, ce qui pourrait être « un grand pas pour le FN dans l’ouest, qui est une terre plutôt centriste ».
Thomas Zuccheli, jeune secrétaire du comité d’Angers du Parti de Gauche.
Élu il y a peu, le jeune homme s’est engagé à l’âge de 17 ans en Terminale. Sa révélation politique s’est faite lors du blocus contre la réforme Darcos, il comprend alors que le rassemblement est possible, et le militantisme intéressant. Comme il ne se retrouvait pas dans les autres partis de gauche et qu’il aimait le personnage qu’est Mélenchon, c’est tout naturellement qu’il s’est tourné vers le Front de Gauche. Il a appris à argumenter et raisonner la politique, ce qui lui est bénéfique dans ses études de Master 2 en sociologie.
Le cas de la mouvance jeune du Parti de Gauche sur Angers est à part. Impulsé par Thomas lui-même, le mouvement est très récent (début septembre 2013). Au début, ils n’étaient que deux aujourd’hui, ils sont une vingtaine. Pour le moment, le rassemblement n’est composé que de jeunes étudiants, mais Thomas est confiant dans les adhésions. Il parle d’ailleurs d’un doublement des effectifs dans les mois à venir en tablant sur le ras-le-bol de l’embrigadement qu’opèrent les syndicats étudiants de gauche angevins.
Le parti n’a pas encore de local, mais ils se rassemblent dans les chambres étudiantes des membres une fois par semaine, au cours de soirées débat. Ils font également du collage et du tractage, ils veulent agir auprès des gens, et sont offusqués des conditions sociales de certains citoyens. Ils sont pour une éducation populaire, un partage des expériences. Dernièrement, ils se sont déplacés sur Paris, pour manifester contre l’augmentation des taxes et ont réussi à diminuer les coûts de déplacement pour les jeunes. Son mouvement ne diffère en aucun cas du parti mère, son rassemblement n’en est pas un en lui-même, il est juste une branche du Parti de gauche. Ils n’ont cependant aucune subvention.
Pour conclure, il « invite tous les jeunes à réfléchir sur la gauche, mais vraiment sur la gauche pas le Parti socialiste « , nous dit-il avec un sourire.
Ces différents entretiens permettent de mettre en perspective toute attaque envers une jeunesse désabusée face à la politique. En effet, tous sont investis d’un projet, d’une vision, qu’ils souhaitent faire partager au microcosme politique angevin. C’est avec énergie que chacun apporte sa pierre au débat politique. Il est d’ailleurs formidable d’être témoin de tant d’engagement et de candeur, chose que l’on peine à voir parmi les aînés plus expérimentés.
Axel Chouteau et Clara Bordier