Sport
Route du Rhum « Expédition sensorielle » pour l’angevin Fabrice Amedeo
Alors qu’on les croit sous les remparts de Saint-Malo, dans les affres de la préparation des dix derniers jours avant l’une des traversées en solitaire les plus difficiles et les plus mythiques – la Route du Rhum – Destination Guadeloupe – les marins ne sont-ils pas en fait en cheminement pour une excursion au fond d’eux-mêmes, de leurs pensées et de leurs rêves. Auto-proclamé réfractaire à tout conditionnement mental, le skipper de Newrest – Art & Fenêtres pratique cependant un exercice de haute volée : l’auto-hypnose
« Je n’ai pas appris à Fabrice Amedeo à faire du gâteau au chocolat » métaphore Sébastien Bras, hypnothérapeute » je lui ai appris à faire la cuisine ». La navigation au large sur un IMOCA à foils n’est pas une pratique aisée. L’exercice en solo relève parfois de la voltige. Face à cette sollicitation extrême et à la difficulté de la tâche, la préparation ne peut s’en tenir à la technique, ni même au physique. Le marin est un être humain. Il doit composer avec sa psyché, être capable de lâcher prise ou de gérer ses émotions, au même titre que sa monture ou que ses muscles.
Réalité altérée ou augmentée
« Le défi semblait tellement immense avant le départ du Vendée… » se rappelle Fabrice Amedeo « Mais franchement, je n’étais pas réceptif aux techniques que j’ai voulu tester comme la PNL (Programmation Neuro Linguistique). Je me suis naturellement tourné vers une méthode que je pratiquais déjà depuis 2012, et que j’entretiens aujourd’hui. »
L’hypnose a pour objet de modifier son état de conscience et peut aboutir à différents ressentis, parfois diamétralement opposés : l’hypnose ericksonienne conduit à un état modifié, qui ressemble un peu à du sommeil, quand l’hypnose humaniste amène à une conscience augmentée de son environnement : les objets, les sons, les goûts, les odeurs, les sensations sont ressentis avec une acuité toute particulière.
Technique et tactique
Ce sont ces deux savoir-faire auxquels le marin peut faire appel alternativement, en fonction des circonstances et de ses besoins. Grâce à un processus d’ancrages, le skipper appelle l’état dans lequel il veut se trouver. Mais dans un cas comme dans l’autre, il faut qu’il puisse agir. Vite. Alors que grâce à l’entrainement il arrive dans l’état souhaité en un laps de temps de l’ordre de la demi-minute – là où d’autres le font plus classiquement en 10 ou 15 – il peut revenir à l’état de pleine conscience en un quart de seconde s’il enregistre le moindre mouvement « fusible » ou bruit jugé alarmant.
Marin vs terrien
Dans sa patientèle, Sébastien Bras a toutes sortes d’athlètes : tennis, foot, tir à l’arc, rugby. Qu’est-ce qui différencie donc le sportif à terre du sportif en mer ? Pour le thérapeute, la démarche de Fabrice Amedeo ne peut être coupée de la philosophie, une discipline qu’il a explorée dans son cursus universitaire avant de devenir journaliste. « Fabrice parle du « sentiment océanique », ce grand sentiment d’infini, de transcendance, que l’on associe à des images oniriques de spectacles grandioses de couchers de soleil, une idée de l’immensité qui est portée par les étendues sans fin de l’océan, des états où peuvent conduire l’hypnose humaniste. C’est ça la passerelle, la résonnance, le moment où le marin entre en communication avec sa partie supérieure, sa Conscience. »